Il n’était pas aisé d’entrer dans l’atelier Gleyre. Paul Vayson, très lié avec Firmin-Girard, raconte comment il avait dû en pousser la porte pour intégrer l’atelier.
“Au coup de sonnette, le maître rêveur ne se dérangea point. On sonne encore, il prend sa palette et entrouvre la porte pour éconduire l’importun, alléguant qu’il termine un portrait. Il se trouve en présence de deux provinciaux timides qui lui demandent de les recevoir parce qu’ils veulent étudier sous la direction de quelqu’un de très fort. L’auteur des Illusions perdues sourit et déclara qu’il les acceptait, ferma sa porte, accrocha au mur sa palette et reprit sa méditation.”
Firmin-Girard est admis, en 1854, dans l’atelier du maître, alors qu’il n’a pas encore seize ans.
Héritier du romantisme et du néo-classicisme, auteur du Soir et des Illusions perdues, Charles Gleyre développait un enseignement sévère tout en laissant une grande liberté à ses élèves.

Il était l’un des rares peintres de son temps à accueillir avec indulgence les évolutions picturales de ses élèves, ce qui n’était pas du goût de la plupart de ses contemporains dont, en particulier, Ingres qui avait pourtant été son maître. Zola raconte comment celui-ci avait humilié Charles Gleyre au château de Dampierre en refusant que leurs travaux, dont ils avaient reçu commande du Duc de Lyunes, ne voisinent.
Dans l’atelier, trente à quarante étudiants dessinaient et peignaient, tous les jours sauf le dimanche, des modèles nus. Une semaine le modèle était un homme, la semaine suivante, une femme. L’atelier était encombré de tabourets, de chaises à dossiers, de chevalets à crémaillère et de nombreuses planches à dessin. Au milieu était disposée la sellette du modèle de façon à ce qu’il soit vu de partout au sein de l’atelier. Des études au fusain et à la craie blanche et des éclats colorés de palettes disposés sur les murs servaient de décor.

Panneau des élèves de l’atelier Gleyre au cours des années 1860. On reconnaît Firmin-Girard à la deuxième place de la troisième rangée en partant du bas, à sa droite Sisley et sous ce dernier Renoir.
Charles Gleyre passait à l’atelier une fois par semaine, parfois le lundi, parfois le vendredi, prenant un peu de temps devant chaque planche à dessin pour faire ses commentaires et prodiguer ses conseils, s’attardant avec les plus zélés. Firmin-Girard est assidu des séances de modèle vivant bien qu’il délaisse parfois le dessin pour s’exercer à la peinture.

Parmi les élèves, on croisait diverses nationalités, des suisses comme Albert Anker, des anglais dont James Abbott McNeil Whistler et Edward John Poynter, des américains et quelques autres nationalités dont un roumain Grigorescu et de nombreux français. Parmi ces derniers, les plus célèbres sont ceux qui deviendront les impressionnistes, Pierre-Auguste Renoir qui fréquenta l’atelier de 1861 à 1864, année de sa fermeture, Claude Monet qui suivit l’enseignement de Gleyre à partir de 1862 sur les conseils d’Auguste Toulmouche, ou encore Alfred Sisley entré la même année que Monet, Camille Pissarro et Frederic Bazille. Firmin-Girard qui a intégré l’atelier auparavant en sera proche dans les dernières années de l’atelier alors qu’il est déjà présent au Salon et qu’il concourt pour le prix de Rome. Leur relation qui durera plusieurs années fut, notamment, liée à leurs virées communes dans la région de Fontainebleau à Barbizon et Marlotte pour peindre la nature « sur le motif ».

Au sein de l’atelier, dans ce milieu du XIXème siècle qui voit l’hégémonie de la tradition néo-classique se fissurer, Firmin-Girard a côtoyé divers courants artistiques allant des « anciens » aux « modernes », du groupe des néo-grecs aux futurs impressionnistes. Il suit les évolutions qui se dessinent, dont une certaine remise en cause de l’Académie et décide de suivre aussi l’enseignement de l’Ecole des Beaux-Arts, à laquelle il accède le 12 octobre 1854, sur la recommandation de son maître. Il n’abandonne cependant pas son atelier qu’il continue à fréquenter avec plus ou moins d’assiduité jusqu’à sa fermeture en 1864.
